Reportage de Éric de Lavarène, ARTE Journal, 28 janvier 2010

Malalai Joya: “Les Afghans sont face à trois ennemis : d’abord les Taliban, ensuite les seigneurs de guerre et enfin les forces étrangères qui occupent notre pays …”

En 2005, Malalai Joya est élue au parlement afghan, elle est alors la plus jeune députée du pays. Les positions féministes de la militante socialiste suscitent aussitôt la polémique. La jeune députée dénonce également les dérives de la mission de paix internationale et la présence, au gouvernement, de plusieurs seigneurs de guerre. En 2007, elle n’hésite pas à comparer le gouvernement afghan à un zoo ce qui lui vaut d’être expulsée du parlement. Menacée de mort par les fondemantalistes Taliban et les chefs de guerre, elle vit désormais cachée et sous haute protection. Mais Malalai Joya n’a pas pour autant cessé son combat. Eric de Lavarène, correspondant d’Arte Journal en Afghanistan a pu rencontrer cette femme au courage et à la déterminations exemplaires.

Pour la rencontrer, il faut rouler plus d’une heure dans Kaboul, puis attendre qu’un contact, qui refusera qu’on le filme, vienne vous chercher. Elle donne ses rendez-vous dans des lieux tenus secrets jusqu’au bout. Impossible de filmer l’extérieur de la maison. En fait, une demeure désolée non loin du Parlement. C’est là que Malalai Joya a accepté de nous recevoir. Celle qui s’est rendue célèbre en 2003 en dénonçant les seigneurs de guerre présents dans le gouvernement, vit désormais recluse. Elle est menacée de mort. Malalai Joya explique :”je dois être très prudente. On a tenté de me supprimer cinq fois en six ans. Je dois changer de maison chaque soir, je suis obligée de porter la burqa, et je ne me déplace qu’avec des gardes du corps”.

Malalai Joya est l’une des seules voix critiques en Afghanistan. Elle dénonce le processus de paix, mis en place par la communauté internationale depuis fin 2001 : “Les Afghans sont face à trois ennemis : d’abord les Taliban, ensuite les seigneurs de guerre et enfin les forces étrangères qui occupent notre pays et tuent des innocents, notamment des femmes et des enfants”. Pour elle, il n’y a qu’une seule solution aux maux du pays, mettre en avant les forces démocratiques et non les seigneurs de guerre : “La seule façon de faire avancer la démocratie en Afghanistan serait de protéger et pousser les intellectuels et les partis démocratiques existants. Il y a ici des partis politiques, des activistes politiques, des travailleurs sociaux. Si on avait un gouvernement laïc, même le mollah Omar ne pourrait utiliser la religion et la politique comme des armes contre les Afghans et spécialement contre les femmes”.

La jeune femme de 31 ans à peine a pourtant été très critiquée par les Afghans, qui lui reprochent ses plaintes sans lendemain. En 2007, la jeune députée a même été expulsée du parlement. Depuis, elle se cache. “Cette burqa, qui est un symbole d’oppression, c’est désormais pour moi un gage de vie et pas seulement pour moi, mais pour une majorité d’afghanes” confie Malalai. Fin du rendez-vous. Protégée par ses fidèles gardes du corps et par sa burqa, Malalai Joya repart vers un autre lieu tenu secret.

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