Par Eric de Lavarène, L’Express, 12.02.2010
Expulsée du Parlement afghan, Malalaï Joya dénonce ceux qui ont conduit son pays à la ruine. Le président en tête.
Depuis 2005, elle combat les seigneurs de la guerre. (A. Masoodd/Reuters)
A Kaboul, le combat de Malalaï Joya contre les seigneurs de la guerre lui a valu d’être écartée du Parlement. Agée de 31 ans, cette jeune Afghane, menacée de mort, vit désormais recluse et entourée de gardes du corps. Elle vient de publier un livre-témoignage (1).
Quelles sont vos conditions de vie?
Je dois être très prudente. On a tenté de me supprimer cinq fois en six ans. Les responsables sont députés ou ministres au sein du gouvernement. A cause d’eux, je dois chaque soir changer de maison et me dissimuler sous une burqa lorsque je me déplace. La burqa, qui est un symbole d’oppression, est désormais pour moi un gage de vie!
Comment jugez-vous la situation dans votre pays?
Les Afghans font face à trois ennemis: les taliban, qui se comportent en fascistes de la religion; les seigneurs de la guerre, dont le pouvoir a été renforcé par les Américains après 2001, et les forces étrangères, qui occupent notre pays et tuent des innocents.
Quant au gouvernement du président Hamid Karzaï, qui n’a rien de démocratique, il a reçu des millions de dollars de la communauté internationale. Mais il a trahi ses engagements vis-à-vis des droits de l’homme en incorporant des seigneurs de la guerre parmi ses conseillers, en laissant la corruption gangrener l’Etat et en ne faisant rien pour lutter contre la culture de l’opium.
A présent, il ouvre les bras aux taliban et bientôt au mollah Omar. Si cela continue, tous ceux qui ont détruit l’Afghanistan, des moudjahidin aux taliban, se retrouveront bientôt à la même table avec la complicité bienveillante de la communauté internationale.
Que préconisez-vous?
Il faut développer l’éducation et protéger les femmes. C’est avec les intellectuels et les partis démocratiques que l’on fera avancer mon pays.
(1) Au nom de mon peuple, Malalaï Joya et Derrick O’Keefe. Presses de la Cité, 368 p., 2010.